Voyager seul
Donc, le matin du 18 décembre, je reprend la route. Ne me demandez pas pourquoi mais c’est la meilleure chose, la seule chose qu’il me semble que je peux faire. En sortant de la ville de Campo Grande, je ressens une immense peine, comme une déchirure. Jusqu’ici, France faisait partie de ma vie. À partir de maintenant, c’est fini.
Il pleut des cordes dehors et mon visage aussi est trempé. Mais le goût est salé.
Je savais que ce ne serait pas facile mais c’est dix fois plus dur que prévu. Moins d’une heure après être parti, je demande à France si elle voudrais bien m’aider à passer au travers.
Peut-être une heure et demie plus tard, un couple à moto me double (ça arrive tout le temps). Ils ralentissent, prennent une ou deux photos (ça arrive tout le temps) puis disparaîssent. Environ 15 minutes après, je décide de m’arrêter à un resto au bord de la route parce j’ai faim et je pense que Minnie a envie.
Devinez qui m’attend là pour prendre une autre photo?
Exact; le couple à moto.
Je me stationne près d’eux, je descend et on se met à jaser. Bien sûr, ils ont plusieurs questions. Et tout se passe bien jusqu’au moment où arrive LA question; celle que je redoutais:
« Et vous voyagez seul? »
Je répond à la question le plus honnêtement possible mais je ne peux retenir mes larmes. Je me retourne pour reprendre le contrôle et quand je me tourne de nouveau face au couple, je suis profondément touché de voir les larmes couler sur les joues de la dame.
« Écoute, pourquoi tu ne te joins pas à nous ce soir, à l’hôtel Nacional de Corumba? »
« Ben c’est que ma bagnole est plutôt lente. Je ne sais pas quand j’arriverai là. »
« On sera là toute la nuit! Écoute, voici notre adresse, ça nous ferait grand plaisir si tu passais Noël avec nous. C’est rien de compliqué. Juste une réunion de famille. S’il-vous-plaît. »
« Mais…euhh…Je sais pas…euhhh… laissez-moi y penser. »
« S’il-te-plaît. »
« En passant, je ne sais même pas vos noms? »
« Je suis Monina. Et moi je suis French. »
« Euhhh, PARDON?? Vous vous appellez French? Comme dans French de France? »
J’avais demandé de l’aide de France, je l’ai eu.
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Là, on est dans l’eau chaude
Je passe les deux prochains jours à visiter certains sites que French et Monina m’ont recommandés. Comme Aguas Caliente.
Où je suis témoin de quelque chose que je n’avais jamais vu avant.
Ici, les eaux chaudes de sources thermales s’écoulent dans une rivière peu profonde où on peut marcher sur le fond de sable ou trouver un endroit plus profond et simplement se laisser tremper et relaxer. Quand tu roules à 35 – 40 degrés, un bain est toujours bienvenue, même un bain chaud. Mais, pendant que j’enfile mon maillot, je me demande ce que je vais faire de Minnie. Il n’est absolument pas question qu’elle veule se baigner avec moi dans l’eau chaude. Elle n’appréciera pas rester attachée au camion ni à un arbre sur le bord de la rivière non-plus. Mais c’est le weekend et c’est plein de monde ici et je ne veux pas qu’elle aille déranger les autres.
Alors, qu’est-ce qu’on fait quand on ne sait pas quoi faire?
Rien.
J’entre lentement dans la rivière et, à mon immense surprise, Minnie saute droit dans l’eau! Elle saute et courre partout comme si elle pourchassait quelque animal invisible. Elle retourne vers le bord et reviens de plus belle en courant! Elle se rend jusqu’à un endroit plus profond et nage comme une malade. Elle boit même de cette eau! J’ai jamais vu ça. Dans le camion, elle refuse de boire de l’eau des réservoirs si elle n’est pas fraîche!
C’est de toute beauté de la voir. Mes yeux s’emplisent d’eau à nouveau et je souhaiterais tant que France puisse la voir en ce moment.
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Un homme passe près de nous avec son chien dans les bras.
Moi: « Votre chien ne se baigne pas? »
Lui: « Il n’aime pas ça. L’eau est trop chaude. On voit que le vôtre est habitué! »
Moi: « Pas du tout! C’est la première fois que je vois ça! »
Joyeux Noël
Le 21 décembre, j’arrive chez Monina et French à Santa-Cruz, en Bolivie, la même ville où j’ai vu France vivante pour la dernière fois, il y a déjà plus de deux mois et demi.
Et donc, plutôt que de passer Noël tout seul avec Minnie, je suis reçu ici par cette adorable famille qui ont fait vraiment tout ce qu’ils pouvaient pour que je me sente comme chez-nous. Ça ne faisait pas cinq minutes que j’étais là qu’ils me donnaient la clé de leur condo flambant neuf de je ne sais plus combien de pièces avec je ne sais plus combien de salles de bain. J’ai eu droit à ma chambre personnelle avec ma salle de bain personnelle et avec A/C, s’il-vous-plaît. J’ai été nourri, soigné (quand j’ai pogné le flu), dorlotté presque. J’ai connu toute la famille. Leurs deux filles, Cynthia et Tatiana, leurs gendre et leurs petits-enfants.
J’ai aussi eu la chance de rencontrer quelques uns de leurs amis de moto qui connaissent super bien le secteur et qui ont pu me donner plein de conseils sur les chemins à prendre à partir de Santa-Cruz. French m’a même fait visiter les dunes de sables tout près de la ville où ils allaient faire du quad avant. Eh oui, eux aussi étaient de grands amateurs de quad, il y a quelques années.
La veille de Noël, j’ai rencontré environ une douzaine de membre de la famille, dont la majorité parlent anglais, et nous avons dégusté un succulent repas de dinde, comme on l’aurait fait chez-nous. Tous ont été super gentils…même ceux qui n’avait aucune idée de qui j’étais et de ce que je faisais là!
J’ai même reçu des cadeaux! Du vin, du chocolat et des biscuits au gingembre!
Le 26 décembre, nous nous sommes séparés. Monina, French et leur famille sont partis vers Torotoro et moi vers Sucre.
Je ne vous oublierai jamais mes amis. Vous avez été mis sur ma route, certainement pas par hasard. Vous représentez tout ce qu’est l’esprit, la magie de Noël.
Merci. Sincèrement.
À suivre…
TBC…