La Patagonie
Elle ne se présente pas du tout comme je l’avais imaginée. Je la voyais comme une forêt, verte et remplie d’animaux sauvages.
Mais en réalité, la Patagonie est un désert. Pas un désert de sable, bien sûr. Elle ressemble plutôt à une savane Africaine, sans les arbres mais avec quelques arbustes parsemés ici et là.
Le changement de décors ici s’opère graduellement mais rapidement entre les forêts verdoyantes et les nombreux lacs de la superbe région de Bariloche et le désert Patagonien. Pour aussi longtemps que je suis dans les montagnes, c’est à dire jusqu’à Esquel en passant par El Bolson, il y a des arbres et de la verdure.
Mais la coupure finale se passe à Esquel.
À partir d’ici vers le sud, à moins de retourner vers les montagnes, les seuls arbres qu’on peut voir sont ceux plantés par les propriétaires terriens pour protéger leur estancia des attaques incessantes du vent. On parle d’environ 2000 kms sans voir un arbre qui pousse naturellement…
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Plate, la Patagonie.
Et venteuse.
Tous les jours, des vents de 70 – 80 – 90 kms/h qui soufflent sans relâche… Tout l’été.
Apparemment, il ne vente pas l’hiver.
L’hiver, il fait moins 25*C et il neige.
Mais il ne vente pas. Au moins.
Pas facile, la Patagonie. Je lève mon chapeau à ceux qui y vivent et à ceux qui y ont toujours vécu. Faut le faire.
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Le décors, normalement assez ordinaire merci, tourne quelquefois à l’extra-ordinaire avec l’apparition d’animaux, comme ici des autruches et des guanacos…
…Ou de lacs aux eaux turquoises.
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Ou des deux à la fois….
L’état de la route lui, tourne rapidement de l’acceptable au lamentable dans les sites en construction. 20 kms de planche à laver brutale et de pierres grosses comme ça donnent le résultats suivant, juste 30 mètres avant de revenir sur l’asphalte et à environ 50 kms avant le village de Rio Mayo.
Pas évident de remplacer la roue avec un vent de 70 km/h…
Mon but est de maintenir une moyenne d’au moins 300 kms par jour en Patagonie. Aujourd’hui, je croyais battre mon record et en faire 500. Eh bien ce sera pour une autre fois parce que je devrai m’arrêter à Rio Mayo pour tenter de trouver une « gomeria » pour réparer ça. Il faut comprendre qu’ici, les services sont très limités. Il ne s’agit pas d’appeler le CAA et le tour est joué…
Bref, je dors à Rio Mayo et, au matin, après m’être rivé le nez sur la plus grande gomeria du village qui est fermée, j’ai plus de chance et trouve un petit garage qui peut m’aider.
Par contre, quand on voit l’état du tube, on comprend vite que ce n’est pas un cas de « patches ». Une chance que j’ai apporté des tubes de rechange parce que ici, oublies-ça!
Une crevaison aux proportions Patagoniennes.
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Heureusement, le pneu n’est pas endommagé. Ouf!
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Les Argentins sont fous des vieilles bagnoles. No4 a toujours été populaire mais ici, c’est le summum. C’est que également, les Land Cruisers sont extrêment rares ici. Pratiquement inexistants. Donc, quand ils en voient un, les trippeux Argentins… Trippent!
Ici, une ambulance Dodge de 1941, venue d’Angleterre, avec volant à droite et tout l’équipement original.
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Les proprios s’en servent pour voyager partout en Argentine!
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Nous sommes présentement en approche finale de El Chalten, où se trouve le fameux Mount Fitz Roy, lieu que je rêve de voir depuis le moment où j’ai commencé à préparer ce voyage.
Avec le vent incessant, le temps se couvre juste avant mon arrivée.
C’est l’eau qui provient de ce glacier qui donne au lac sa coloration verdâtre/turquoise.
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Mais je joue de malchance aujourd’hui, le temps se couvre de plus en plus… Spectaculaire quand même…
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Il est déjà plutôt tard dans l’après-midi, je vais donc camper ici ce soir et voir si j’aurai plus de chance demain.
On se tape un bon burger géant, Minnie et moi, avec de bonnes frites bien grasses. Tel père, telle fille…
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Le lendemain:
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Le Mt Fitz Roy est situé à 90 kms de la routa 40 mais je l’ai vu d’aussi loin que 200 kms de distance!
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Bien sûr, l’endroit est serpenté par des dizaines de sentiers accessibles aux randonneurs-aventuriers de tous calibres, du marcheur au grimpeur extrême mais, bien sûr également, les chiens ne sont pas permis dans le parc national…
Mais je ne vais pas faire porter tout le blâme à Minnie ou aux autorités des parcs… Je voulais voir Mt Fitz Roy, je l’ai vu. Je n’ai pas vraiment envie de grimper dessus…Maintenant, ce que je veux c’est de filer au sud au plus vite. J’ai envie que se termine ce voyage.
Par contre, je vais quand même faire un court arrêt à Calafate pour y voir le fameux glacier Perito Moreno. Un incontournable, s’il en est un.
Évidemment, ici aussi les chiens sont interdits mais je ne vais quand même pas manquer ça! Quelques kilomètres avant l’entrée du parc, je fais monter Minnie derrière, dans la section camper de No4. Au moment de payer les très modestes frais de $30 d’entrée (Pas pour camper, il n’y a pas de camping sur les lieux. $30 juste pour VOIR le glacier…), le préposé se pointe à la fenêtre de No4 et, tout en me faisant payer, me pique une petite jasette et pose mille questions sur le véhicule, d’où je viens, si je voyage seul et tout le bazar…
Moi, j’espère que Minnie ne va pas se mettre à pleurer ou japper, là derrière…J’ai juste envie de partir de là au plus vite.
Comme une grande fille, Minnie ne dit pas un mot et je peux enfin continuer mon chemin. Elle restera bien sage dans No4 tout le temps que j’irai faire ma petite visite. Bonne fille.
Une première vue du glacier.
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Le petit truc qu’on voit au centre un peu à gauche, sur le lac, c’est un bateau, un gros bateau…
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Ça donne un aperçu de la dimension de ce monstre de glace…
Bienvenue au glacier Perito Moreno.
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Si ça n’est pas classé comme une des merveilles du monde, c’est qu’y a une erreur…
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Le plus intriguant c’est qu’on dirait que c’est vivant, ce truc. Ça bouge et ça craque continuellement. À toutes les, disons, 20 secondes, BOUM! CRRRRACK! PAF! Et puis tout d’un coup, une pièce se détache et plonge à l’eau (comme sur la première photo). Le bruit, lorsque la glace touche l’eau est impressionnant. Une véritable explosion: BOOOOOM !!! C’est que chaque morceau qui se détache pèse des tonnes!
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De toute beauté. Le gars, pas le glacier!
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Après environ deux heures, je ressort du parc et je libère Minnie. Toujours aussi de bonne humeur!
Il se fait tard et je dors en ville à Calafate.
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Le lendemain, je quitte tôt dans le but de faire une bonne journée de route.
J’ai parcouru environ 90 kms quand j’entend un léger bruit qui semble venir de l’arrière. Un clic clic clic à répétition. Mais la route est mauvaise et je n’entend pas très bien. Ça pourrait très bien provenir de ces craques dans l’asphalte. De toute façons, moins de 10 secondes plus tard, le bruit s’arrête, plus rien.
Puis, un autre 15 secondes plus tard, plus rien. Vraiment plus rien. J’appuie sur l’accélérateur, le moteur tourne plus vite mais je n’accélère pas.
Plus de propulsion.
VROOOUM VROOUM! Mais je ralentis sans arrêt. J’essaie de changer de vitesse, 3e, 2e, 1ère, plus rien. Et je ralentis rapidement:
90 – 80 -
Je dois prendre une décision et vite.
70 – 60 km/h
Un problème qui se présente de cette façon c’est probablement assez grave.
50 – 40km/h
Il y a des chances pour que j’aie besoin d’une remorque.
30 – 20km/h
Toujours rien. Je pourrais m’éloigner de la route et descendre au fond du fossé assez facilement mais…
20 – 10km/h
…Ça compliquerais la tâche d’un remorqueur au besoin.
10 – 0km/h
Ça y est, je suis stationné, en panne, au bord de la route…
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Je commence par essayer de nouveau toutes les vitesses, incluant la marche arrière.
Rien.
Transmission?
Puis j’essaie la boîte de transfert (transfer-case) pour tenter de me déplacer avec les vitesses courtes.
Rien.
Transfer-case?
Je descend de voiture et je constate rapidement que de la fumée sort du bout de l’essieu arrière côté droit. Le bout de l’essieu en question est noirci et dégage une forte odeur de chauffé… Je n’ai qu’à m’approcher pour sentir la chaleur qui se dégage…
Je remonte en voiture et passe en 4X4 pensant pouvoir me déplacer en utilisant la traction des roues avant seulement pour, au moins, me rendre au prochain village. Mais No4 refuse de bouger. Quand je relâche l’embrayage, il grogne, il se tord de douleur, il veut mourir mais il ne bouge pas. Tout est figé.
Ça va prendre une remorque. Je sors le cell mais, bien sûr, il n’y a pas de service ici, au milieu de rien…
Je suis à 90 kms du village de Calafate, où il n’y a pas grand chose, à 250 kms du prochain village où il n’y a absolument rien et à 900 kms du but ultime, Ushuaia. Sur un voyage de 57,000 kms.
Pas de cell. Personne en vue. Y vente à écorner un boeuf.
Chu dans marde.
À suivre…